Le sommeil et l'horloge circadienne dans la maladie de Parkinson
La maladie de Parkinson, qui est la deuxième maladie neurodégénérative la plus répandue, se caractérise par la détérioration progressive des neurones dopaminergiques. Représentant près de 2 % de la population mondiale, les patients parkinsoniens souffrent de troubles moteurs, comme des difficultés à se mouvoir et des tremblements. D'autres symptômes non moteur tels que des altérations neuropsychiatriques, comportementales et sensorielles ont été associés à la maladie de Parkinson. Plus récemment, on a rapporté chez ces patients des troubles du rythme circadien et du sommeil, ce qui semble indiquer un rôle du système circadien dans l'exacerbation des symptômes de la maladie. Les rythmes circadiens sont des oscillations endogènes de processus biologiques essentiels tels que la libération d'hormones, la température corporelle et les fonctions cérébrales qui permettent à notre corps de fonctionner. Les scientifiques du projet CircaDopamine, financé par l'UE, souhaitaient étudier plus en profondeur comment les rythmes circadiens sont affectés chez les parkinsoniens. Ils ont travaillé sur l'idée que les rythmes circadiens des mammifères sont alignés sur le cycle lumière / obscurité transmis à l'hypothalamus par l'intermédiaire de la rétine, puis par l'activation de gènes spécifiques de l'horloge circadienne. Cette partie de l'hypothalamus effectue ensuite, grâce à des signaux neuronaux et humoraux (par le biais du système circulatoire), une transduction des informations vers de nombreuses régions centrales et périphériques. «Les rythmes circadiens contrôlent les actions motrices, la prise alimentaire ainsi que des fonctions cognitives comme l'apprentissage, la mémoire et la prise de décision», explique le Dr Karim Fifel. «Ce mécanisme est en partie réalisé par les neurones dopaminergiques», poursuit-il. En identifiant le composant circadien de la signalisation dopaminergique, le consortium CircaDopamine voulait élucider les processus physiologiques contrôlés par cette voie neuronale et la façon dont ils sont perturbés dans la maladie de Parkinson. Chez les humains, le manque de sommeil est traditionnellement associé à diverses maladies cardiovasculaires, mentales et métaboliques, mais le mécanisme de cette association reste inconnu. On ne dispose donc d'aucune stratégie thérapeutique efficace pour lutter contre les dysfonctionnements du sommeil et du rythme circadien, qui pourraient exacerber l'état morbide. Lier l'horloge circadienne avec la signalisation dopaminergique Pour étudier de façon scientifique le fonctionnement des rythmes circadiens dans la maladie de Parkinson, les scientifiques ont suivi une approche expérimentale basée sur deux modèles de souris transgéniques appelés MitoPark et CircaDA. Le modèle MitoPark reproduisait la neurodégénérescence progressive liée à l'âge des neurones dopaminergiques observée chez les patients parkinsoniens. Le modèle CircaDA, important pour la recherche du projet, se caractérisait quant à lui par l'absence d'horloge circadienne fonctionnelle dans les neurones dopaminergiques. Les chercheurs ont étudié les conséquences de la perte de la signalisation dopaminergique sur la régulation du sommeil et réalisé une surveillance électrophysiologique in vivo pour étudier le rôle des modifications circadiennes dans la neurotransmission dopaminergique. En utilisant différent régimes de lumière, ils ont également examiné l'effet de photopériodes sur le sommeil et la fonction de la dopamine. Pour mieux identifier les éléments de la voie moléculaire utilisée par la dopamine pour réguler les oscillations du gène de l'horloge, les chercheurs ont utilisé des médicaments ciblant le récepteur de la dopamine et mesuré la fonction neuronale. Des résultats importants sur le plan clinique Le projet CircaDopamine a permis d'obtenir une compréhension fondamentale de la connexion entre l'horloge circadienne et la neurotransmission dopaminergique. Pris dans leur ensemble, ces résultats aident à comprendre l'impact que la lumière, que ce soit pour des photopériodes courtes ou longues, peut avoir sur le sommeil et l'électrophysiologie de la neurotransmission dopaminergique. D'un point de vue clinique, ces informations permettent de comprendre le fonctionnement du réseau circadien dans la maladie de Parkinson. Elles ouvrent également une nouvelle voie pour gérer les altérations du sommeil et des anomalies circadiennes dans un certain nombre d'affections psychologiques et neurologiques liées à la dopamine. Dans ce contexte, la luminothérapie pourrait représenter un traitement bénéfique pour lutter contre les troubles du sommeil et leurs conséquences sur les patients atteints de neurodégénérescence. Élément important, le Dr Fifel estime que «ces résultats suggèrent que les activités de mise au point des futurs médicaments pourraient intégrer le concept de chronomédecine.»