Conception de moniteurs biologiques pour l’intestin
Pourriez-vous capturer la profondeur de la vie en une seule photo? Les méthodes utilisées par les scientifiques pour étudier la biologie moléculaire d’une cellule fonctionnent un peu comme un appareil photo, qui ne prend qu’un seul cliché. Mais pour vraiment comprendre tous les processus dynamiques qui se produisent à ce niveau, il faudrait quelque chose de plus proche d’une caméra. Des chercheurs du département des sciences et de l’ingénierie des biosystèmes(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) de l’École polytechnique fédérale de Zurich ont récemment mis au point une technique(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) qui permet précisément d’atteindre cet objectif. Cette approche, connue sous le nom de «Record-seq», utilise la technologie CRISPR d’édition de gènes pour convertir des fragments d’ARN cellulaire en ADN. Les ARN contiennent des messages sur l’état actuel d’une cellule, mais ils se dégradent rapidement, c’est pourquoi l’information qu’ils peuvent offrir est statique, comme une photo. Or, l’ADN peut transporter des séquences de ces messages, fournissant ainsi un horodatage plus long, un peu comme une caméra vidéo moléculaire. Dans le cadre du projet CRISPRhistory(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), financé par le Conseil européen de la recherche(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), une équipe scientifique a cherché à utiliser Record-seq pour le suivi continu des processus au sein de l’intestin des mammifères. Les cellules de l’intestin réagissent aux changements environnementaux en modifiant l’expression de leurs gènes. Leur suivi pourrait donc nous permettre de mieux comprendre la nutrition, voire le développement de maladies telles que le cancer. L’équipe s’est concentrée sur le développement de «cellules sentinelles» capables d’enregistrer leur environnement. «Nous avons développé l’enregistrement transcriptionnel avec des cellules sentinelles pour qu’elles fonctionnent comme des biocapteurs, qui nous donnent un “enregistrement” de ce que la cellule a vécu», explique Florian Schmidt(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), scientifique rattaché à l’École polytechnique fédérale de Zurich.
Créer des biomoniteurs de l’intestin humain
Lorsque les bactéries traversent l’intestin, elles sont exposées à toutes sortes d’environnements différents. Si l’analyse fécale ne donne qu’un aperçu limité de la situation la plus récente, les chercheurs s’intéressent énormément à ce que les bactéries peuvent raconter de ce qu’elles ont vécu plus haut dans l’intestin. Pour concevoir des cellules sentinelles dotées de biocapteurs, l’équipe s’est tournée vers Escherichia coli, une bactérie naturellement présente dans l’intestin humain. Si les chercheurs peuvent, grâce à Record-seq, lire ce que l’E. coli peut percevoir, plusieurs biomarqueurs intestinaux associés à des maladies ne génèrent pas de réponses spécifiques chez l’E. coli. Pour combler cette lacune, l’équipe a mis au point de nouveaux biocapteurs ciblant les acides gras à chaîne courte, qui sont fortement impliqués dans la santé de l’hôte, en particulier dans les troubles métaboliques, et qui sont difficiles à détecter en milieu clinique. «Nos résultats suggèrent que les informations qui peuvent être extraites de ces biocapteurs s’intègrent parfaitement dans l’architecture Record-seq», note Florian Schmidt. «Nous prévoyons de conclure ces efforts au cours de l’année et de soumettre un manuscrit décrivant les travaux pour publication dans une revue scientifique à comité de lecture.»
Soutenir la recherche sur le microbiome intestinal
Grâce à des recherches menées sur des souris, l’équipe a démontré avec succès que sa technologie Record-seq peut être utilisée comme outil de recherche et de diagnostic pour étudier le microbiome intestinal. Les chercheurs ont pu distinguer les différents régimes alimentaires des souris, et même voir si elles avaient suivi un régime malsain pendant une semaine, et ce jusqu’à deux semaines après être repassées à un régime sain. «Cela est très prometteur pour le suivi des patients humains à l’avenir», ajoute Florian Schmidt. Ces travaux soutiennent également de nombreuses autres recherches scientifiques consacrées à l’étude du microbiome intestinal, en introduisant un nouvel outil qui permet d’interroger l’intestin de manière non invasive. L’équipe travaille désormais activement à la transposition de sa technologie afin qu’elle puisse être déployée en tant qu’outil de diagnostic chez les patients humains. «Il s’agit d’un long chemin qui s’accompagnera de nombreuses découvertes passionnantes», déclare Florian Schmidt.
Mots‑clés
CRISPRhistory, transcriptionnel, enregistrement, intestin, microbiome, recherche, biomoniteurs, humain