Des approches intelligentes pour mieux prévenir les maladies
Le changement climatique et la circulation mondiale des personnes et des biens ont accru le risque de menaces de maladies. La pandémie de COVID-19 a également mis en évidence la nécessité de renforcer les systèmes de surveillance et de veille épidémiologique pour la détection précoce, le suivi et l’évaluation des maladies infectieuses émergentes. L’une des principales difficultés réside dans le fait que les systèmes actuels de surveillance des maladies s’appuient sur des données collectées régulièrement, comme la surveillance passive, pour contrôler l’apparition et la propagation des maladies et concevoir des réponses appropriées. De nouvelles approches intégrant l’intelligence artificielle (IA), l’apprentissage automatique et l’analyse de mégadonnées provenant de différentes sources pourraient contribuer à améliorer la préparation en comprenant mieux les facteurs d’émergence des maladies et en permettant l’élaboration de modèles plus précis.
Réagir aux menaces liées aux maladies infectieuses
Le projet MOOD(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), financé par l’UE, en est un bon exemple. Grâce à la collecte et à l’exploitation de données à l’aide de l’apprentissage automatique, cette initiative a favorisé la mise au point d’une plateforme numérique unique conçue pour renforcer la capacité de l’Europe à détecter les menaces liées aux maladies infectieuses et à y répondre dans le cadre d’une approche «Une seule santé». «Notre objectif était de mettre des outils complexes de modélisation et de science des données directement entre les mains de ceux qui font de la recherche et de l’évaluation des risques pour des décisions de santé publique fondées sur la science», explique la coordinatrice du projet, Elena Arsevska, du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) (CIRAD), en France. MOOD a utilisé des méthodes mathématiques, statistiques et fondées sur la science des données dans l’infrastructure de la plateforme, et a intégré des algorithmes d’apprentissage automatique pour générer des cartes de risques prédictives pour les maladies. En outre, le consortium a intégré l’outil PADI-web, qui recourt au traitement du langage naturel pour scanner, extraire et analyser automatiquement les informations relatives à la maladie à partir des médias en ligne afin de soutenir la surveillance basée sur les événements.
La science des données pour la modélisation prédictive
Le résultat final est une plateforme(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) en libre accès qui rassemble des données sur l’environnement, le climat, la répartition des hôtes et les maladies. L’objectif est d’aider les professionnels de la santé publique et animale à prendre des décisions plus rapides et mieux informées sur les menaces de maladies émergentes. Par exemple, la plateforme offre actuellement des résultats de cartographie des risques de maladies pour différents agents pathogènes, notamment le virus du Nil occidental, l’encéphalite à tiques chez l’homme, la grippe aviaire chez les oiseaux, et la résistance aux antimicrobiens chez les animaux producteurs de denrées alimentaires. «Nous ajouterons d’autres maladies à la plateforme à l’avenir, en fonction des besoins européens», précise Elena Arsevska. Plus de 20 institutions partenaires à travers l’Europe et les États-Unis ont travaillé en étroite collaboration pour s’assurer que la plateforme répondait aux besoins du monde réel, c’est-à-dire des utilisateurs finaux. «La force de MOOD ne réside pas seulement dans la technologie, mais aussi dans son application», note Elena Arsevska.
Impact réel sur les stratégies de santé publique
Le projet a mené des études de cas spécifiques pour démontrer l’impact réel de la plateforme sur les stratégies de santé publique. Chaque étude a intégré l’intégration des données, la modélisation prédictive et la perspective «Une seule santé», qui reflète l’interdépendance de la santé humaine, animale et environnementale. Ces études de cas portaient sur des maladies infectieuses représentant différentes voies de transmission, une dynamique temporelle et une distribution géographique à travers l’Europe dans le contexte du changement climatique. Par exemple, les chercheurs de MOOD ont montré que les données relatives à l’habitat, à l’utilisation des sols et à la faune sauvage peuvent améliorer la cartographie des risques au niveau local en Europe pour l’encéphalite à tiques. Dans le cas du virus du Nil occidental, l’équipe a combiné des données de surveillance basées sur des indicateurs et des événements pour cartographier le risque d’apparition de la maladie et modéliser la force de l’infection à l’aide de données longitudinales issues de la surveillance. L’étude de cas sur la grippe aviaire a intégré les rapports traditionnels sur les épidémies et les données génomiques pour évaluer les risques de transmission des oiseaux sauvages aux volailles domestiques. Ces données ont également servi pour cartographier les points névralgiques de l’apparition des maladies. L’étude de cas sur la résistance aux antimicrobiens a révélé des lacunes importantes dans l’intégration des données intersectorielles, montrant comment les agents pathogènes résistants présents dans le bétail posent des risques inégaux selon les régions. Les résultats ont mis en évidence la nécessité urgente de mettre en place des stratégies de surveillance plus coordonnées dans le cadre de l’initiative «Une seule santé». Pendant la pandémie de COVID-19, les travaux de MOOD ont permis d’évaluer la propagation du virus, l’impact des restrictions de mobilité(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), et d’éclairer les interventions des agences de santé publique en Europe. «MOOD a contribué à la préparation de l’avenir en renforçant les plateformes de collaboration, les consortiums de recherche et les réseaux de modélisation afin de favoriser le partage des données et des codes, ainsi qu’une collaboration efficace entre les universités, les décideurs et les fournisseurs de données», ajoute Elena Arsevska. Afin de tirer parti de ces résultats et d’assurer la pérennité du projet au-delà de sa durée de vie, MOOD a créé une association internationale sans but lucratif chargée de maintenir et de promouvoir la plateforme, tout en nouant de nouvelles collaborations et en explorant les possibilités de financement.