Un jumeau numérique pour un suivi personnalisé de l’inflammation
Imaginez que vous disposiez d’un modèle virtuel du fonctionnement de votre corps, un jumeau numérique capable de simuler votre réaction à une maladie ou à un traitement. Les jumeaux numériques sont utilisés depuis longtemps dans des domaines tels que l’ingénierie et la climatologie, mais pas encore dans les soins de santé. En combinant le profil génétique et les antécédents médicaux d’un patient avec des données biométriques en temps réel, les jumeaux numériques permettent aux cliniciens de prévoir les risques de santé avant l’apparition des symptômes. Dans les maladies inflammatoires telles que la septicémie ou la COVID-19 grave, où une intervention précoce est essentielle, cette capacité prédictive pourrait sauver des vies.
Surmonter les défis du jumeau numérique
Malgré ses promesses, la création de jumeaux numériques pour une utilisation en temps réel dans les soins cliniques reste un défi. Les exigences portent non seulement sur des données détaillées concernant les patients, mais aussi sur des capteurs capables de capturer ces données en continu, des algorithmes qui les analysent avec précision et des modèles biologiques qui aident à interpréter la signification de ces données. Le projet DIGIPREDICT(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), financé par l’UE, a réuni tous ces éléments pour mettre au point une technologie de jumeau numérique pour le suivi de l’inflammation.
Des capteurs portables avec une précision en temps réel
L’un des principaux objectifs de DIGIPREDICT était de mettre au point des capteurs portables permettant de suivre des biomarqueurs spécifiques de l’inflammation directement à partir de la peau. Les capteurs sont associés à des micro-aiguilles en silicium qui extraient le liquide interstitiel sans douleur et avec une grande efficacité. Cette conception innovante permet de surveiller les biomarqueurs sans qu’il soit nécessaire de faire une prise de sang. L’équipe a produit des capteurs multimodaux de lactate et des capteurs de pH(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) dont la plage dynamique est dix fois supérieure à celle des technologies actuelles. Ils ont ainsi pu détecter des changements critiques dans le métabolisme des tissus. En outre, le projet a été à l’origine du premier capteur portable(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) pour la protéine C-réactive (CRP), un marqueur clé de l’inflammation, en utilisant une technique électrochimique en temps réel appelée spectroscopie d’impédance. «Ces capteurs nous offrent une fenêtre continue et non invasive sur l’état inflammatoire d’un patient», explique le coordinateur du projet, Adrian Ionescu.
Un organe sur puce pour une surveillance plus intelligente
Pour s’assurer que les capteurs capturent les signaux les plus significatifs, DIGIPREDICT a également développé des modèles d’organes sur puce. Ces derniers servent de jumeaux physiques, aidant les chercheurs à simuler la façon dont l’inflammation, telle qu’un choc cytokinique, peut se dérouler chez les vrais patients. Les plateformes cœur et vaisseau sur puce ont également permis d’étudier les réponses à l’inflammation et d’explorer la manière dont différents médicaments interagissent avec les tissus enflammés. Selon Adrian Ionescu: «Les systèmes d’organes sur puce ont joué un rôle essentiel dans l’identification des bons biomarqueurs et dans la validation de nos technologies portables.»
Algorithmes d’IA
Le pouvoir prédictif de DIGIPREDICT ne provient pas seulement des capteurs. Des algorithmes d’IA avancés intègrent des données provenant de différents hôpitaux, même lorsque les dossiers des patients sont incomplets. Les modèles ont également été entraînés dans différentes institutions sans qu’il soit nécessaire de partager des données sensibles. Cela a permis non seulement de garantir le respect de la vie privée, mais aussi d’élaborer des outils plus précis. «Les données incomplètes sont une réalité dans le domaine des soins de santé, et nos algorithmes traitent les données manquantes comme une caractéristique significative, ce qui améliore réellement la prédiction», souligne Adrian Ionescu.
De la recherche à la clinique
L’une des principales réalisations du projet a été de démontrer que les boucles de jumeaux numériques qui intègrent la détection, la modélisation et la prédiction peuvent fonctionner dans des environnements cliniques en temps réel. Leur capteur de lactate portable est en passe d’obtenir le marquage CE, le partenaire industriel Xsensio SA(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) le préparant à une utilisation commerciale. Une autre voie d’exploitation importante est la réalisation par Ascilion(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) de micro-aiguilles en silicium pour l’extraction du liquide interstitiel. À l’avenir, les résultats de DIGIPREDICT seront étudiés dans le cadre du nouveau projet RealCare(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) financé par l’UE pour la surveillance des maladies cardiovasculaires et du cancer. «Les jumeaux numériques sont la voie à suivre pour une gestion de la santé plus intelligente et plus durable, axée sur l’individu», conclut Adrian Ionescu.