Gènes et mécanismes de régulation du calendrier migratoire chez le saumon atlantique
Le saumon atlantique utilise des «horloges» internes synchronisées avec la durée du jour (photopériode) tout au long de l’année pour programmer sa migration. Les jeunes poissons (smolts) quittent leur rivière pour rejoindre l’océan lorsque les journées s’allongent. Les adultes retournent dans leurs rivières d’origine lorsque les journées commencent à raccourcir. Au cours des dernières décennies, cette migration vers la mer, et retour, s’est produite quelques semaines plus tôt, un phénomène lié au changement climatique. Bien que la base génétique du calendrier des migrations ne soit pas encore totalement comprise, des données indiquent que les poissons s’adaptent à l’élévation des températures de l’eau et à la modification des régimes d’écoulement. Avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) (MSCA), le projet SAL-MOVE(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) s’est penché sur la base génétique des calendriers migratoires, principalement chez le saumon d’Amérique du Nord. Les modèles ont permis de déterminer les sous-populations qui seront les plus vulnérables aux déséquilibres entre les signaux internes et externes induits par le climat.
Base génétique de la migration du saumon
SAL-MOVE a corrélé des milliers de dates de retour de saumons adultes enregistrées entre les années 1970 et aujourd’hui avec des données climatiques et a examiné l’ADN des génomes d’environ 300 poissons de 11 populations. «Un examen plus approfondi des différences génétiques entre les populations ayant migré plus tôt ou plus tard a révélé que le moment de la migration chez les adultes est déterminé par plusieurs gènes, dont PPFIA2, et par un important réarrangement de l’ADN», explique Samantha Beck, de l’université des Highlands et des Îles écossaises(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), boursière MSCA. L’analyse de 60 000 marqueurs génétiques chez les smolts qui quittent les rivières européennes a également révélé l’existence d’un gène de synchronisation de la migration chez les jeunes saumons atlantiques.
La génomique des individus révèle un nouvel «interrupteur» de régulation
SAL-MOVE a séquencé l’intégralité des génomes des saumons adultes et les a corrélé aux dates exactes de retour des poissons, révélant ainsi des informations cruciales qui n’avaient pas été prises en compte dans les études de population. «Nous avons découvert qu’une portion d’ADN située juste en amont du gène PPFIA2 est fortement liée au moment de la migration et peut agir comme un “interrupteur” régulateur qui influence l’activité de PPFIA2. Cette région pourrait constituer un marqueur génétique utile, à surveiller à mesure que les rivières et les océans se réchauffent», explique Samantha Beck. Bien que la photopériode soit fixe, cet «interrupteur» génétique non codant pourrait ajuster la sensibilité du saumon aux signaux environnementaux, ce qui constitue une piste de travail intéressante pour l’avenir. En comprenant comment cette modification réagit au changement climatique et comment elle affecte le calendrier de migration des différentes populations, nous pouvons mieux déterminer les groupes de saumons qui peuvent être plus résistants et ceux qui peuvent avoir du mal à s’adapter au changement climatique», ajoute Samantha Beck. Il est intéressant de noter que PPFIA2 est également lié au calendrier migratoire d’un oiseau chanteur, ce qui suggère l’existence d’un «gène du calendrier migratoire» hautement conservé chez les vertébrés.
Des modèles d’apprentissage automatique éclairent les scénarios possibles pour l’avenir
«En s’appuyant sur des connaissances génétiques et des scénarios climatiques futurs, nos modèles d’apprentissage automatique suggèrent que les saumons des rivières plus septentrionales seront les premiers à voir leur calendrier intégré désynchronisé par le changement climatique. Les poissons qui migrent plus tardivement sont les plus menacés, car ce leurs programmes génétiques devront effectuer plus grande modification pour s’adapter à des climats qui changent rapidement», explique Samantha Beck. Des solutions telles que le rétablissement du débit naturel des rivières pour faciliter l’accès aux frayères, la plantation d’arbres le long des berges pour maintenir les eaux plus fraîches et, bien sûr, la réduction des émissions de CO2 peuvent favoriser la migration des saumons et la croissance de leur population. «Les découvertes de ce projet n’auraient pas été possibles sans le soutien, l’expertise et les données de Victoria Pritchard (UHI), de Ian Bradbury du ministère des Pêches et des Océans (MPO), de l’équipe du MPO et de nombreux autres scientifiques et biologistes de la pêche de toute l’aire de répartition du saumon atlantique», confie Samantha Beck. Cette équipe hautement collaborative a ouvert la voie à la base génétique du calendrier migratoire du saumon atlantique, mettant en évidence le fait que les migrations de certaines populations peuvent être plus vulnérables au changement climatique que d’autres et fournissant une base pour le suivi de la résilience.