Un nouvel dynamique pour les dispositifs quantiques moléculaires
La chiralité(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) est un principe naturel selon lequel les objets, tels que les molécules, ne peuvent être superposés à leur image miroir, à l’instar d’une main gauche et d’une main droite. En physique, il est mis en évidence par le spin des particules, qui peut être dans le sens horlogique ou anti-horlogique. Il s’agit d’un phénomène aux implications passionnantes pour les innovations transformatrices. «Exploiter la façon dont les molécules biologiques utilisent la chiralité pour se reconnaître et interagir les unes avec les autres pourrait permettre de contrôler le flux d’informations et d’augmenter la puissance de traitement des applications quantiques», explique Roberta Sessoli(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) de l’université de Florence. Lorsqu’une polarisation électrique est appliquée, la chiralité peut être exploitée par un phénomène appelé sélectivité du spin induite par la chiralité(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) (CISS), par lequel les électrons voyageant dans un milieu chiral atteignent leur destination avec une direction de spin dominante. «Roberta Sessoli, chercheuse principale du projet CASTLE, financé par le Conseil européen de la recherche(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), explique que «s’il est relativement facile de contrôler l’orientation du spin, cela nécessite des champs magnétiques très élevés et/ou des températures très basses, ce qui en limite l’utilisation.
Laisser la nature faire le gros du travail
Pour relever ce défi, le projet a réuni des équipes des deux côtés de l’Atlantique afin de trouver des solutions où la nature fera le gros du travail. Néanmoins, l’équipe CASTLE a d’abord dû confirmer que l’effet CISS en question provenait des propriétés des molécules chirales, à travers lesquelles les électrons circulent. Le projet financé par l’UE a permis aux équipes américaines d’accéder aux connaissances et à l’expertise européennes, et vice versa. L’université Northwestern, membre de l’équipe de projet basé aux États-Unis, a créé un système. Ce système implique un composant moléculaire qui accepte facilement les électrons (l’accepteur) et un autre qui préfère les libérer (le donneur). Ceux-ci ont été reliés aux extrémités opposées d’une molécule chirale. En éclairant la molécule, l’électron passe rapidement du donneur à l’accepteur en passant par la molécule chirale, ce qui entraîne une rotation contrôlée du spin de l’électron. «Nous ignorions si l’effet CISS était dû aux électrodes métalliques des appareils ou à une propriété intrinsèque de la molécule», confie Michael Wasielewski(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), qui dirige l’équipe américaine de l’université Northwestern(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre). «Nous avons démontré de manière concluante qu’il s’agit bien d’une propriété moléculaire.»
Fabriquer des circuits quantiques
L’utilisation de la lumière pour déplacer des électrons dans des matériaux chiraux offre la possibilité de fabriquer des circuits quantiques en assemblant un réseau de composants moléculaires chiraux. La manière dont l’ampleur de l’effet CISS affecte le degré de rotation du spin de l’électron sur une distance donnée n’étant pas encore claire, des instruments sont en cours de développement pour quantifier l’effet, les premières modélisations s’étant déjà révélées capables de faire des prévisions. La nature multinationale et hautement collaborative de CASTLE a été la clé de ces premiers succès. «Aucun d’entre nous ne pourrait le faire seul», souligne Roberta Sessoli. Les membres de l’équipe américaine, par exemple, ont apporté des connaissances essentielles sur le transfert d’électrons photo-induits et les techniques de mesure par résonance magnétique. «L’exposition des chercheurs en début de carrière aux forces relatives des différentes approches, en particulier l’accent mis par les États-Unis sur l’analyse coût-bénéfice, a complété l’approche européenne plus collaborative et expérimentale», ajoute Roberta Sessoli. Parallèlement, les chercheurs américains ont pu participer à un effort multinational qui a fait progresser les connaissances fondamentales.
De nouvelles aventures dans le cade des dispositifs quantiques
Bien que CASTLE ne produise pas de dispositifs spécifiques, mais fournit plutôt des conseils sur la conception, il existe des applications potentielles évidentes. Michael Wasielewski cite la détection quantique, ainsi que les petits processeurs quantiques mis en réseau avec des matériaux nanométriques pour des dispositifs à l’échelle nanométrique: «La communauté des physiciens est très enthousiaste à ce sujet». D’autres domaines sont en cours d’étude(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) dont l’utilisation de l’effet CISS dans de courts duplex d’ADN pour contrôler le spin dans les puces électroniques, tout en développant un «paradigme de conversion du spin en charge» qui offre la possibilité de «filtrer le spin», c’est-à-dire d’arrêter les électrons qui n’ont pas le bon spin pour mieux les contrôler. «La nature omniprésente de ce phénomène le rend hautement transférable à d’autres domaines, tels que la collecte de lumière. Le spin étant omniprésent et la chiralité sélectionnée par la nature existant depuis des millions d’années, de nombreuses possibilités doivent encore être identifiées en combinant ces deux propriétés; nous pourrions être en train de réécrire certains dogmes des manuels scolaires», conclut Roberta Sessoli.