Comment les interactions bactériennes influencent la santé intestinale
Notre appareil digestif est recouvert d’une couche de mucus qui protège l’organisme des agents pathogènes invasifs et facilite les interactions symbiotiques avec les bactéries commensales. Ces micro-organismes constituent un élément essentiel du microbiome intestinal humain, contribuant à diverses fonctions telles que la digestion, l’absorption des nutriments et le développement du système immunitaire. «Cette couche de mucus se compose de différents types de grandes protéines de mucine (une famille de protéines qui jouent un rôle crucial dans la formation et le maintien du mucus) qui sont décorées de molécules de sucre complexes», explique la coordinatrice du projet Bac2MUC Karin Strijbis(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) de l’Université d’Utrecht(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) aux Pays-Bas. «On ignore encore largement comment les bactéries interagissent avec ces protéines de mucine décorées de sucre, et quelles sont les conséquences fonctionnelles de ces interactions pour la santé et la maladie intestinales.»
Identifier les fonctions des mucines
Le projet Bac2MUC, soutenu par le Conseil européen de la recherche(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), avait pour objectif d’identifier les bactéries pathogènes et commensales qui interagissent avec des glycoprotéines de mucine spécifiques. Le projet vise également à déterminer les fonctions des mucines dans la prévention des infections et le maintien de la santé intestinale. «Pour étudier les fonctions des mucines, nous avons cultivé en laboratoire des cultures d’épithéliums intestinaux avec les protéines de mucine présentes dans l’intestin grêle et le gros intestin», explique Karin Strijbis. «Nous avons également modifié nos cellules pour qu’elles soient dépourvues d’une mucine en utilisant la technologie d’édition de gènes CRISPR.» L’édition de gènes du complexe associé à de courtes répétitions palindromiques regroupées et régulièrement espacées (CRISPR) permet aux scientifiques de modifier l’ADN d’organismes vivants en utilisant un «ciseau moléculaire» pour couper l’ADN à des endroits ciblés. Cette technique permet de corriger des mutations génétiques, de désactiver des gènes ou même d’insérer de nouveaux gènes. «De nombreuses bactéries intestinales ne peuvent pas se développer en présence d’oxygène, c’est pourquoi la plupart de nos expériences ont dû être menées dans une chambre anaérobie», note Karin Strijbis. «Nous avons réalisé des expériences d’adhésion et d’invasion et visualisé les interactions bactéries-mucines à l’aide de la microscopie confocale à fluorescence.» La microscopie confocale à fluorescence utilise des étiquettes fluorescentes pour obtenir des images d’échantillons biologiques à haute résolution. Elle permet aux scientifiques de visualiser en détail les structures et les processus cellulaires.
Rôles essentiels dans le maintien de la santé intestinale
L’équipe du projet a pu montrer que les mucines jouent un rôle essentiel dans le maintien de la santé intestinale et que les interactions entre les bactéries et les mucines sont très spécifiques. Par exemple, des agents pathogènes tels que les salmonelles ont développé des facteurs de virulence spécifiques pour détourner les mucines à des fins d’invasion. Les commensaux tels que les bifidobactéries colonisent la couche de mucus et séparent les sucres des mucines pour se nourrir, tout en renforçant les fonctions de la barrière intestinale. «De nouvelles connaissances sur les interactions moléculaires entre les bactéries et les mucines peuvent être bénéfiques pour la santé humaine à plusieurs égards», explique Karin Strijbis. «Pour les agents pathogènes, nous pouvons développer des stratégies pour bloquer leur interaction afin qu’ils ne puissent plus envahir le corps à partir de la surface des muqueuses. En ce qui concerne les commensaux, il est important de savoir quelles bactéries peuvent rétablir des fonctions de barrière intestinale saines, par exemple pour les patients souffrant d’une fuite intestinale ou d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin.»
Pertinence pour la santé et les maladies humaines
Karin Strijbis estime que le projet a permis de souligner le rôle central des mucines dans la santé humaine. «Au sein de mon groupe, nous continuerons à découvrir les interactions spécifiques entre les bactéries et les mucines et leur importance pour la santé et les maladies humaines», ajoute-t-elle. «En collaboration avec une équipe de gastro-entérologues, nous étudions actuellement les modifications des mucines et des propriétés du mucus au cours des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, et nous cherchons à savoir si des bactéries commensales spécifiques pourraient restaurer la santé intestinale.»