Bio-imprimer à la vitesse de la lumière
Le développement de médicaments est un processus laborieux et coûteux qui nécessite des milliards d’euros et au moins dix ans en moyenne pour mettre au point un médicament cliniquement applicable. Il est donc essentiel d’améliorer le pouvoir prédictif du dépistage préclinique afin d’éliminer les candidats inefficaces le plus tôt possible en utilisant des modèles in vitro en 3D qui résument l’étendue de la complexité et de la fonction de l’organe natif. Les technologies de bio-impression transforment la manière dont les chercheurs conçoivent des modèles de tissus humains pour la médecine régénérative et la recherche pharmaceutique. Cependant, les méthodes actuelles présentent des limites car elles suivent un processus lent, couche par couche. Par conséquent, la construction de tissus de plus d’un centimètre cube peut prendre des heures, ce qui est beaucoup trop long pour que les cellules sensibles puissent survivre et fonctionner correctement.
La bio-impression par la lumière
Pour remédier aux limites des techniques de bio-impression existantes, le projet ENLIGHT(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), financé par l’UE, a introduit une nouvelle approche appelée bio-impression volumétrique. Inspirée de la tomographie médicale, cette méthode utilise des motifs lumineux pour façonner des biomatériaux contenant des cellules et les transformer en tissus vivants et fonctionnels. En plaçant le biomatériau sur une plateforme rotative et en projetant un modèle de lumière différent à chaque angle de rotation, on obtient des tissus vivants fonctionnels. La combinaison des motifs de chaque angle garantit que seules des régions spécifiques se solidifient, ce qui permet d’obtenir un modèle 3D spécifique. Comme ce processus utilise la lumière visible et aucune pression physique, il évite d’endommager les cellules et permet d’obtenir des taux de survie et de fonctionnement élevés. «Nous pouvons imprimer des tissus de la taille d’un centimètre en seulement 10 secondes, en utilisant un processus basé sur la lumière qui est exceptionnellement doux pour les cellules», explique Riccardo Levato, coordinateur du projet.
Un nouveau «mini-pancréas» pour le criblage des médicaments contre le diabète
L’une des applications les plus prometteuses du projet est un modèle de pancréas bioprimé. L’équipe a utilisé un hydrogel à base de gélatine, dérivé du collagène, et a encapsulé des îlots pancréatiques, générés à partir de cellules souches pluripotentes induites dérivées de patients. Ces îlots sont riches en cellules bêta sécrétrices d’insuline, qui disparaissent ou fonctionnent mal chez les personnes atteintes de diabète de type 1 (T1D). Le modèle 3D a été conçu avec une architecture poreuse pour imiter le flux naturel des vaisseaux sanguins. Placé dans un bioréacteur à perfusion, le modèle permet aux chercheurs de simuler la circulation sanguine et de tester la réaction des îlots aux médicaments ou aux composés toxiques. Il est important de noter que, comme les cellules sont spécifiques à chaque patient, le système peut être utilisé pour la médecine personnalisée. «Nous avons passé au crible différents médicaments antidiabétiques, ainsi que des molécules susceptibles de provoquer une toxicité dans le pancréas. L’objectif est de rendre les tests pharmaceutiques plus efficaces et plus performants, en mettant en place un système fiable et reproductible basé sur des cellules humaines», souligne Riccardo Levato.
Incidence et orientations futures
ENLIGHT a démontré pour la première fois que la bio-impression volumétrique peut améliorer la fonction de tissus complexes, comme les îlots pancréatiques, pour des applications de recherche avancée. Le partenaire Readily3D(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) a lancé la bio-imprimante sur le marché, tandis que Rousselot(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), également partenaire du projet, a commercialisé un nouvel ensemble de matériaux dérivés de la gélatine pour l’impression 3D et la culture de tissus. L’équipe continuera à affiner ses modèles imprimés et à explorer leur utilisation pour les tests de thérapie génique, un autre domaine dans lequel les modèles actuels sont insuffisants. Les chercheurs évaluent également la façon dont la technologie peut soutenir les thérapies de transplantation cellulaire pour le DT1, en utilisant des tissus imprimés à grande échelle pour remplacer les îlots pancréatiques défaillants. Avec l’évolution de la bio-impression, la technologie d’ENLIGHT pourrait devenir la pierre angulaire du développement de médicaments et de la médecine régénérative. Elle pourrait aider les entreprises pharmaceutiques à identifier plus tôt des médicaments sûrs et efficaces, réduisant ainsi les coûts et la nécessité de recourir à l’expérimentation animale.