Des nanoparticules d’ARNm peuvent programmer les cellules pour traiter les maladies oculaires
En Europe, les causes les plus courantes de déficience visuelle, voire de cécité dans les cas extrêmes, sont la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), le glaucome et l’œdème maculaire diabétique (OMD). La DMLA et l’OMD sont généralement traités par l’injection de protéines dans la cavité vitréenne(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), ce qui permet de réduire l’œdème rétinien (gonflement) et de ralentir la progression de la maladie. Le glaucome est traité avec des gouttes oculaires qui réduisent la pression dans l’œil. «Alors que les traitements contre la DMLA et l’OMD devraient être injectés dans l’œil tous les mois ou tous les deux mois, les intervalles sont souvent plus longs, et bien que les injections peuvent réduire la fuite des vaisseaux sanguins oculaires malades, la dégénérescence rétinienne se poursuit. De même, les gouttes pour le glaucome ne protègent pas la rétine ni le nerf optique», explique Arto Urtti(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), coordinateur du projet LIPOmRNA, financé par le programme Actions Marie Skłodowska-Curie(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre). La réponse de LIPOmRNA a consité à concevoir une nanoparticule lipidique (NPL) qui contient des ARNm(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) capable d’inciter les cellules à produire des protéines thérapeutiques, inaugurant de nouveaux traitements par injection et gouttes oculaires, dans le cadre d’une suite plus large de futures innovations.
Programmer les cellules de sorte qu’elles produisent des médicaments
LIPOmRNA s’appuie sur la manière dont le corps humain produit des protéines thérapeutiques. Les cellules utilisent l’ARNm pour lire le code génétique de l’organisme (ADN) et produire des protéines afin de réaliser de nombreuses actions, notamment réduire les fuites des vaisseaux sanguins ou régénérer les tissus malades. «Si les protéines elles-mêmes peuvent être utilisées comme médicaments, il est préférable d’utiliser l’ARNm pour produire des protéines thérapeutiques in situ, et donc programmer les cellules pour fabriquer des médicaments» , explique Arto Urtti de l’université de Finlande orientale(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), qui héberge le projet. Pour administrer l’ARNm aux cellules cibles, les chercheurs ont développé des nanoparticules à base de lipides de la taille d’un virus pour lier et emballer l’ARNm. «Administré seul, l’ARNm serait dégradé et, même intact, il ne pourrait pas pénétrer les cellules», explique Arto Urtti. Les NPL comprennent différents lipides et peuvent être recouvertes d’autres matériaux, tels que l’acide hyaluronique(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) qui est naturellement présent dans de nombreux tissus, dont le corps vitré. Pour pouvoir pénétrer les tissus oculaires, la surface des NPL doit être chargée négativement ou neutre. Elles sont ensuite «mangées» par les cellules cibles (endocytose), ce qui permet à l’ARNm de déclencher la production de protéines.
Tester l’ARNm thérapeutique dans des cellules et des modèles animaux
Pour comprendre l’impact de la composition des NPL, l’équipe a caractérisé et administré des nanoparticules de différentes tailles à des cellules rétiniennes cultivées. «Nous avons découvert que l’absorption cellulaire et la production de protéines ne sont pas toujours en corrélation, parce que différentes NPL peuvent libérer différemment l’ARNm actif à l’intérieur des cellules», souligne Arto Urtti. Comme il n’est pas encore possible de prédire les actions des NPL par modélisation informatique, les NPL les plus prometteuses ont été testées sous forme d’injections oculaires chez des lapins et des rats, la distribution rétinienne des NPL étant analysée à l’aide d’une méthode basée sur la spectrométrie de masse. Afin de réduire les essais sur les animaux, les chercheurs ont développé une méthode permettant de tester 10 NPL différentes en une seule injection. «Certaines NPL ont pénétré la rétine après une injection intravitréenne plus efficacement que les nanoparticules traditionnelles telles que les liposomes, et la rétention des NPL a été supérieure à deux mois, ce qui est prometteur pour les injections à longue durée d’action», ajoute Arto Urtti. Certaines NPL ont également été testées sous forme de gouttes ophtalmiques pour transformer les cellules de la cornée à la surface de l’œil en «usines» productrices de protéines, les produits protéiques étant mesurés dans le liquide lacrymal. «Dans ce contexte, nous avons obtenu les meilleurs résultats en utilisant des NPL recouvertes d’acide hyaluronique, car celles-ci adhèrent à la mucine de la surface oculaire, ce qui les empêche d’être éliminées par lavage. En outre, ces NPL semblent plus “savoureuses” pour les récepteurs cellulaires», précise Arto Urtti.
Des injections oculaires et des médicaments topiques plus efficaces
L’administration de NPL par injection ne dépend pas d’une séquence de nucléotide(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), ce qui signifie que la méthode pourrait être utilisée pour n’importe quel code d’ARNm, ouvrant ainsi la voie à d’autres traitements de la rétine. Qui plus est, l’ARNm délivré par les NPL peut déclencher la production de protéines à la surface de l’œil, indépendamment du code de l’ARNm, ce qui permet d’envisager l’utilisation de gouttes oculaires pour traiter l’uvéite (inflammation oculaire), ce qui n’est actuellement possible que par injection. "Des intervalles plus longs entre les injections et l’administration de médicaments topiques contribueront à réduire la souffrance des patients et la charge qui pèse sur les services de santé», conclut Arto Urtti.