Gros plan sur la vie microbienne
Chaque animal est considéré comme un écosystème à part entière, colonisé par des microbiotes dans des organes tels que la peau et l’intestin. Ces communautés microbiennes constituent, avec l’hôte, ce que les scientifiques appellent l’holobiome. La compréhension des interactions entre ces micro-organismes commensaux et avec l’hôte est essentielle pour la santé et le bien-être des animaux, et pour leur production. Les méthodes traditionnelles d’étude des interactions entre l’hôte et le microbiote se concentrent sur l’identification des microbes, mais négligent un paramètre important: l’emplacement précis du microbiote dans l’hôte, sa proximité avec les nutriments et les concurrents. Ces éléments peuvent avoir de profondes conséquences sur le comportement et l’interaction des microbes. Appréhender le contexte spatial des bactéries et des biomolécules dans les tissus est par conséquent essentiel.
Intégration de technologies omiques
Pour comprendre l’interaction des microbes entre eux et avec l’hôte, le projet 3D-omics(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), financé par l’UE, se propose d’utiliser une combinaison d’approches omiques(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), des outils qui analysent les gènes, les protéines et les substances chimiques dans le corps. En cartographiant ces informations en 3D, l’équipe voulait non seulement voir ce qui se passe dans l’intestin, mais aussi où cela se passe exactement. Selon Antton Alberdi, coordinateur du projet: «En intégrant de multiples données omiques provenant de l’hôte et des microbes, nous pouvons aller au-delà du simple catalogage des organismes présents et commencer à comprendre ce que fait chacun d’entre eux et comment ils interagissent». En identifiants les gènes activés, les protéines synthétisées et les petites molécules présentes, les scientifiques peuvent obtenir des informations sur la manière dont les microbes et l’hôte s’influencent mutuellement. Une fois combinées, ces couches d’informations fournissent une image plus claire de l’impact de ces relations sur la santé animale.
Analyse 3D des microbes
Chaque type d’analyse omique exige ses propres protocoles de préparation et de traitement des échantillons, ce qui complexifie la combinaison des résultats. En outre, de nombreuses bases de données de référence manquent souvent d’informations essentielles concernant la fonction des gènes microbiens. Pour compliquer encore les choses, les hôtes et les microbes sont régulés de manière différenciée, et les métabolites microbiens peuvent affecter des parties du corps éloignées de leur site de production. Pour résoudre ces problèmes, le consortium a développé une méthode innovante, la métagénomique spatiale à micro-échelle (MSSM). Contrairement aux techniques omiques conventionnelles, qui requièrent de grandes quantités de matériel et ignorent la structure 3D, le MSSM identifie les microbes, les gènes et les fonctions présents dans des grilles de 25 micromètres de large. Cela permet aux chercheurs de déterminer avec précision quelles souches s’associent aux espèces probiotiques, ou comment des agents pathogènes tels que les salmonelles se positionnent à proximité des tissus de l’hôte.
Transformer les cartes microbiennes en informations utiles
L’équipe de 3D-omics a appliqué la plateforme MSSM à l’amélioration de la production animale, en mettant en lumière la manière dont des souches spécifiques interagissent avec les microbes indigènes dans l’intestin et où elles le colonisent. Ces informations 3D permettent aux chercheurs de déterminer avec précision la manière dont les microbes se regroupent autour de nutriments spécifiques tels que les fibres, ajoutées dans les aliments pour soutenir le métabolisme et la fonction immunitaire. La MSSM fournit des informations sur l’endroit où se produit la dégradation des fibres et sur les microbes qui collaborent, ce qui permet de concevoir des mélanges de fibres et des suppléments ciblés qui soutiennent plus efficacement les écosystèmes intestinaux bénéfiques. «Notre technologie d’analyse du microbiome à micro-échelle peut être appliquée à n’importe quel écosystème microbien complexe», souligne Antton Alberdi. L’équipe étend désormais ses recherches à la santé humaine afin de prévoir quelles communautés microbiennes se développeront dans le cadre de régimes ou de traitements spécifiques. À l’avenir, l’approche de 3D-omics pourrait permettre d’adapter les thérapies probiotiques à des patients individuels ou à des races de bétail en tenant compte des structures spatiales spécifiques de leur microbiote intestinal.